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quitta bien la place qu’elle auoit euë en leurs eſprits : mais celle qui eſt comprinſe en tant & ſi gros volumes des Legiſtes, n’a pas abandonné la terre. Car tant plus les hommes eſtoient ſimples, plus ils auoient l’ame bonne : depuis que tant de volumes de loix furent compoſez & receus és villes, cette ancienne ſimplicité commenca de quitter peu à peu les citadins des villes, & ſe retira aux champs, vers ceux qui n’entendoient pas bien les teſtamens d’Aſtree, qui fut fille d’Aſtreus Prince ſi iuſte que pour ſa grande equité ſa fille fut nommee Iuſtice : mais depuis comme elle vid tant de vices gagner le mõde , elle s’enuola aux Cieux, & fut placee en cette partie du Zodiaque qu’on appelle le ſigne de Virgo. Toutesfois quelques vns content que les loix ne ſont point teſtamens d’Aſtree, mais ſeulement ordonnances d’hommes enjointes de puiſſance abſolüe à ceux ſur leſquels ils auoient commandement, fuſt-ce contre tout droit & raiſon : & certains arreſts propres & particuliers à chaſque ville, mis en auant pour le bien de chaſque communauté, & ſelon l’intereſt particulier qu’y auoient ceux qui en eſtoient auteurs : & les coucherent malicieuſement en tels termes qu’on les peuſt diuerſement expoſer. Aſtree ayant ietté l’œil ſur ces meſmes loix, n’oſa point faire de teſtament, ne penſant pas qu’elle en peuſt faire aucun ſi ferme ne ſi bien cimenté qu’on ne luy peuſt donner vne accroche à cauſe de ſi grande quantité de loix repugnantes l’une à l’autre ; craignant auſſi qu’elle ne fiſt conſumer en proces la ſucceſſion qu’elle deuoit laiſſer à ſes hoirs. Ces bonnes gens qui viuoient dans l’innocence foiſonnoient en toutes ſortes de biens & commoditez : viuans tant à leur aiſe, tant heureux, tant riches, qu’à bon droit tous les Poëtes ont en leur langue ſi ſoigneuſement chanté cet aage doré. Ils paſſoient leurs iours ſans ſoing & ſoucy, ſans affliction aucune : la vigueur de leurs corps ne s’affoibliſſoit point par vieilleſſe. Quand l’heure de la mort venoit, ils rendoient l’ame ſans difficulté, comme ſi vn doux ſommeil les euſt accueillis ; toutes leſquelles choſes ſe trouuoient (comme on dit) au temps de Saturne, teſmoin Heſiode és œuures & iours : Quand Saturne regnoit, l’on viuoit à ſon aiſe, Sans peine, ſans ſoucy, ſans trauail, ſans meſaiſe, Heureux ainſi que Dieu : & pour l’aage chenu L’homme n’en eſtoit point plus courbé deuenu. Meſmes pieds, meſmes mains ; on faiſoit bonne chere : Et quand il approchoit vers le bord de ſa biere : La Parque le venoit eſtendre en ſon cercueil, Comme s’il n’euſt eſté qu’aſſopi de ſommeil. Vraye conſolation du Sage.Et certes le ſage n’a point de plus grande conſolation ſoit en ſa vieilleſſe, ſoit en ſa mort, ny qui plus allege ſon treſpas, que de ſçauoir en ſa conſcience qu’il a veſcu en homme de bien, & s’eſt abſtenu durant

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