Art qu’vn homme de bien ne peut voir de bon œil, Art trompeur, plain de dol, que tu mets au cercueil Doucement et ſans bruit celuy qui fol s’amuſe A tes ſubtils appaſts ! qui Circe, qui Meduſe Par tes enchantemens & charmes doucereux ! Penſe tu ſurmonter nature par tes feux ? Quelle rage eſt cecy ? de loing elle te quitte, Et trouues que ta peine eſt à neant reduitte. Le feu boit tes trauaux, le vent boit tes ſueurs. Elle deçoit tes yeux par cent & cent couleurs, Par maint trompeur obiect, par mainte fauſſe forme, Ainſi comme Proté quand il veut ſe transforme,
Or’ en eau, or’ en feu, or’ en hideux ſerpent
Or’ en roche, or’ en arbre, or’ en beſte, or’ en vent. Tu fais allambiquer ton bien à la fournaiſe, Que la fumee en l’air euapore à ſon aiſe. Qu’engendrent ces fourneaux ? vne peſte, vn venin, Vn deſir deteſttable, vne enragee faim A ce pauure idiot qui court à gueule bee Aprés l’or et l’argent : vne rage emflambee, Vn triſte deſplaiſir vn cuiſant creue-cœur Qui ronge ceux deſquels elle à trompé l’ardeur. Vid-on iamais aucun pris de telle manie, Que l’ire vengereſſe apres ne le manie ? Dieu punit tel meffaict, et leur temerité Les contraint à la fin par grand mendicité Courir à l’hoſtel-Dieu. Vn œil plein de chaßie, Vn front de craſſe hideux, vne barbe eſpaißie Leur affre le viſage, vn habit enfumé, De vapeurs de charbon ſalement parfumé. S’ils manquent au beſoing, d’vne menteuſe fourbe Ils payent reſolus la trop credule tourbe. Ils ſçauent le moyen de conuertir Mercur, Le metamorphoſant en lingots d’or fin pur Mais ſi ces alterez tiennent en leur cordelle
Quelque homme bien renté, qui ait bonne eſcarcelle, La bourſe trop peſante, & croye de leger, Ils ont l’inuention de la bien alleger. Mais il verra qu’en fin leur fournaiſe importune Le contraindra courir vne meſme fortune, Le faiſant eſchoüer contre vn ſemblable eſcueil, S’il ſe peut à la longue eſchapper du cercueil.