Faré - dans l'île de Huahine
sous le vent de Tahiti-
12 juin 1951
Cher Jean Paulhan
Je viens de faire consciencieusement en 3 jours le tour d'une petite île du Pacifique Huahiné, à pied et en pirogue - les sentiers sont fuyants et les routes, il n'y en a qu'une sur 7 kms entre Faré et Maeva - ces îles apparemment dorées avec leur lumière, leur eau, la beauté de leurs montagnes et de leur végétation, rencontre renferment un nombre extrêmement varies d'enfers sur terre - j'y ai fait connaissance avec les enterrés vivants, 3 colons (depuis 30 ou 40 ans) qui sont venus se terrer là du reste du monde. Ici le péché a un visage, tous ces demi, tous ces ¾ qui n'arrivent pas à bout de leur caractère, mi-juif, mi tahitien, mi chinois - on ne peut plus croire en l'âme humaine ou bien l'âme c'est d'être pur-sang, d'avoir un but, et d'y aller - ici le but s'émiette, les gens se laissent engluer et les velléitaires sont innombrables - les femmes sont belles dix ans de 16 à 25 ans - puis elles épaississent et tournent en eau - on les supporte ensuite toute sa vie comme partout sans doute, mais sans y trouver