[1952] Cher Jean Paulhan,

J'étais content de vous revoir. J'aimerais bien que vous puissiez continuer de vivre ainsi très longtemps – quand vous ne serez plus là, il y aura un sourire de la vie qui me manquera. Mais c'est nous qui restons la perle - d'être en vie, c'est cela la merveille. Je ne crois pas qu'une œuvre ait jamais beaucoup d'importance ; on s'en vêt, on s'en pare, on dit : admirez moi, alors que c'est l'homme nu qui compte - c'est un métier trop dangereux d'être homme de Lettres et qui prête trop à la vanité - quelqu'un de vraiment réussi n'aurait besoin ni d'écrire ni de faire, il vivrait de l'unité du monde dans sa tête, tout lui serait matière à contemplation, à rayonnement à l'infini - il n'aurait plus de temps à perdre pour s'exprimer par caractères interposés.