Pourtant une église sans fidèles, un palais royal sans roi, c'est co une raffinerie sans pétrole, c'est comme un violon sans musicien. Je compte bien voir aux Indes une religion, en pleine action, en plein fonctionnement, autre chose que notre culte chrétien, hypocrite et sclérosé, qui n'a plus de manifestations dynamiques – sauf en Espagne. La semaine sainte à Seville, le Juillet à Tahiti (en France on dit « le 14 juillet ») et je pense la première lune à Rangoon voilà de la Fête. Il faudrait aller à la Mecque une fois. Au fond j'arrive encore à temps. Tant que les religions tiennent bon, la vie sur terre garde du charme, de l'excentricité, on se sent heureux de vivre. Et moi je me sens profondément, croyant, indécrottablement presque. J'ai confiance, on tappe [tape] à boulets rouges dans le nuage et il arrive bien à pleuvoir, on frappe à poings fermés contre une porte et elle s'ouvre ; mais c'est là qu'il faut devenir modeste : rien ne répond de rien - dire que la porte s'est ouverte parce qu'on a frappé, c'est de la présomption ; non, on a frappé, la porte s'est ouverte - il y a une coïncidence, une simple virgule = on sentait peut être simplement que la porte allait s'ouvrir - frapper n'était que de l'impatience. Les croyants sont des impatients comme les porcs avec la truffe ; Et Dieu reste « l'intouchable » mais il faut savoir lui sourire d'avance et déjà vivre avec lui.

Votre ami - Pierre B -

[Verticalement, dans la marge de gauche] P.S on m'a rendu votre lettre qui a fait merveille - on s'est contenté de garder dans mon dossier le double de ma réponse -