Il y a dans ce journal une malhonnêteté qui m'a quand même amené à prendre contact avec elle.
Je ne sais si vous avez aimé le petit conte « Dehors la nuit » que je vous avais envoyé, en pensant un peu au « temps, comme il passe ». J'ai eu du plaisir à l'écrire.
Je voudrais bien quitter un peu Paris. Ce soleil me fait déjà regretter cette maison de campagne abandonnée, pour quoi finalement, pour d'autres besognes ? Peut-être quand même pour ces cent pages déjà écrites ces derniers jours.
Je suis allé voir plusieurs fois Armen Lubin. C'est une extraordinaire sympathie dès qu'on le voit. Je l'aime beaucoup. Que faire pour lui ? Pour qu'il reste près de Paris ? Pour qu'il ait tout au moins, dans n'importe quel établissement une chambre à lui ? Depuis dix ans il n'a jamais été seul. On ferme sa lampe tous les soirs à 9h, et pendant la nuit, il griffonne au hasard quelques mots sur un bout de papier.
Henri Thomas va peut-être venir passer quelques jours à Paris.
Je vais me remettre non pas au roman que je viens de quitter avant de vous écrire, mais à l'histoire des « messieurs catholiques' », abandonnée depuis trois semaines, hélas payée d'avance. Puis à quelques lectures de manuscrits pour le Club du livre et les Éditions Stocks. Mais si peu. Ne pourrais-je obtenir des lectures à faire chez Gallimard ? C'est encore le travail le moins sot malgré le temps qu'il prend. Je voudrais bien. Cela permet au moins d'attendre.
Vous me pardonnerez cette lettre subite. Je vous dis toute ma meilleure amitié.
Marcel Bisiaux
C'est surtout pour vous dire que j'ai pu travailler que je vous écris.