Lundi 25 Janvier 32
à B. Crémieux
Cher Benjamin,
J'ai lu Oudard. L'histoire est assez extraordinaire. Mais il faudrait la récrire. Je puis le demander à Oudard, n'est-ce pas ?
Je n'ai pas très bien compris la mauvaise humeur avec laquelle tu me parles des notes de la N.R.F. (et dans un moment où elles atteignent, il me semble, à une indépendance qu'elles n'avaient jamais connu. Je te défie de trouver, dans les derniers numéros, une note de complaisance ou de simple « convenance ».)
J'ai lu Poulaille. Non, ce n'est pas un chef-d'œuvre. Mais il y a là un effort pour s'exprimer, un sérieux, une authenticité qui me font mettre le bouquin à mille pieds au-dessus de machines rusées et distinguées, comme Deval ou Simone. Et puis, la question est ailleurs : nous faisons, dans une assez large mesure, confiance à Marc Bernard. Et dès l'instant qu'il tient à parler de Poulaille, je crois qu'il faut le laisser le parler.
Peut-être es-tu un peu fâché à cause de Deval. Remarque que tu ne m'as pas donné la note promise, pour laquelle j'avais enlevé, une première fois, la notule de Denis Marion. Je l'ai attendue un mois. J'ai pensé ensuite que tu renonçais à l'écrire.
Pourquoi vas-tu ressortir cette vieille plaisanterie des compliments que feriat la N.R.F. aux gens qui l'attaquent. Que veux-tu dire ? Qu'on fait intentionnellement des compliments...? Ce serait une simple plaisanterie. Alors, je ne vois pas trop ce qui reste. Quelques éloges à des surréalistes ? (Mais justement, à propos d'eux, loin de les désarmer, les exciter davantage contre nous.) Explique-toi mieux. Mais je ne crois pas que tu puisses trouver autre chose que ceci : c'est que tu n'es pas d'accord avec tous les critiques qui écrivent dans la NRF. Eh, moi non plus.
Il n'est guère, depuis quelques mois, qu'un point, je crois, sur lequel un « observateur désintéressé »