qu'il est extrêmement aisé de la perdre quand on l'a une fois tenue. La déchéance du surréalisme me paraît être ici un symptôme grave.
Nous ne reconnaissons dans l'ordre de la pensée, aucune autorité, à qui nous fier sans réserves. Quelle que soit la place que tiennent, dans les préoccupations de chacun de nous, l'œuvre de Marx, de Guénon, de Freud, de Spinoza ou la philosophie hindoue ce n'est qu'à titre de matériaux que nous les acceptons – nous tenant également libres sur tel point donné de les suivre ou de les repousser.
Rien ne nous paraît plus ridicule qu'une « école » soit littéraire ou philosophique. Si nous nous réunissons c'est pour aller ensemble un peu plus loin dans une voie intérieure et nettement opposée au sensationnel, à l'extérieur, au déclaré et à tout ce dont une « école » se nourrit. Il nous est parfaitement indifférent d'exercer une action, d'être considéré, de nous « imposer ».
Peut-être pourrions-nous convenir pour la matinée de lundi, de ceci : chacun de nous, suivant un ordre fixé par le tirage au sort exposera, pendant trois quart d'heure environ, ses convictions, et ses raisons. Le reste sera laissé au hasard (le jardin est assez grand et les pièces assez nombreuses pour nous permettre de passer le reste de la journée, si nous le préférons, isolés.)
À vous, bien amicalement.
Jean Paulhan.