Val-de-Grâce (2me fiévreux)lundi 10 juillet [1933]
Cher ami,
comme je l'avais deviné, il m'était impossible de venir dîner avec vous jeudi dernier : j'apprenais ce soir-là que je devais être conduit le lendemain matin à l'hôpital, pour observation (d'une durée indéterminée) et décision sur mon sort – et j'avais juste le temps de bondir chez mes parents pour les prévenir. Ainsi, notre entrevue est encore reculée à un temps inconnu. Mais peut-être que je sortirai d'ici pour ne jamais plus rentrer dans l'armée (sauf en guerre). L'ennui est qu'on ne sait rien ici, jusqu'au dernier moment. Je sais aussi qu'on s'occupe de moi, dans les hautes altitudes hiérarchiques médicales, mais dans quelle mesure, et si les médecins (le professeur Pilod) qui s'occupent de moi sont dans la combine, je n'en sais rien. Si bien que je n'ose pas demander à personne d'intervenir maintenant, de peur de brouiller le jeu. J'attends.