Évian, le 30 septembre. [1934]
Cher ami,
Merci de votre lettre et de vos envois. J'ai reçu la N.R.F., les 2 « Mois » (communiqués au Docteur), le Gandhi (vous voulez une note, je suppose, pour la revue ? – oui, mais elle ne serait peut-être pas très gentille, et comme c'est un livre de la maison, c'est peut-être mieux qu'un autre la fasse : mais je la ferai, et vous verrez). Pas encore reçu les Merveilles du Becht, mais je l'ai parcouru chez Lavastine qui l'avait, et le juge très mauvais (si je me souviens, une critique d'un point de vue chrétien : « ces gens-là sont bien intéressants, mais les malheureux n'ont pas su reconnaître la Révélation de N.S.J.C. [Notre Seigneur Jésus Christ]… etc. ». Lavastine fera volontiers une note là-dessus.
Comme on ne donne qu'à ceux qui ont, et que vous êtes rentré dans les soucis de la brousse parisienne, qui ne guérit rien, j'y ajouterai encore. Il s'agirait de quelques mots à dire à B. [Brice] Parain. Il m'avait dit, lorsque j'ai entrepris la traduction de Hemingway, que (bien qu'il fût convenu que je toucherais 1250F à la remise du manuscrit – ce qui est fait – et autant à la publication du livre) je pourrais facilement obtenir, 2 ou 3 semaines (elles sont doublement écoulées) après le 1er payment [paiement], l'avance du second, en tout ou (au pis aller) en partie – c'est donc une chose entendue entre nous, et je lui ai déjà écrit pour le lui rappeler ; mais les relations épistolaires sont lentes et [rature] ténues, et vous m'aideriez beaucoup en lui demandant s'il pense toujours possible de m'obtenir cette avance maintenant. Merci beaucoup.
Mais c'est pas fini ! Si vous voyez R. [Ramon] Fernandez, ou si vous entendez parler de traduction (de l'anglais) à faire, voulez-vous faire qu'on n'oublie pas que j'adore ce genre de travail et que je le fais proprement et vite si c'est nécessaire.
« Est-ce tout ? – Non, écoutez encore :
V. [Victor] Hugo, Les Burgraves
»
(en 3ème importance) : M. Bubber [Martin Buber] a écrit à Lavastine qu'il était très heureux satisfait de sa traduction, et que, si jamais elle paraissait dans la N.R.F., (j'ai cru pouvoir dire à Lavastine de lui faire entrevoir cette possibilité) il en serait très heureux, estimant beaucoup cette revue. Il demande (juste souci hassidique) en passant quelle serait sa rémunération.
Mais j'abrège, et à votre exemple, et non seulement par représailles, je remets à quelques jours la suite de ma lettre. À vous et à Madame Paulhan (quel travail lui donne la longueur de mon adresse : ces étiquettes et son écriture m'ont ramené vivement rue S. Bottin [Sébastien-Bottin], avec la pensée anachronique du manque de stores) mes amitiés et celles de Vera.
René Daumal
[verticalement, à gauche] P.S. Les cousins des Cévennes m'intriguent. Familiaux ou diptères ? Germains ou Culex ? Après vos histoires de brousse, on ne sait plus.