Dimanche [s. d.] [1936?]
Cher ami, (je continue)
… à savoir des Fleurs de Tarbes, ou plutôt vous écrire que je ne peux pas vous en parler encore : mais voilà, je me suis déjà nié. D'abord, j'attends la suite et la fin (in cauda veritas?). Surtout, je suis encore à digérer ce que j'ai lu ou entendu lire. Enfin, vous me flattez trop en me demandant d' « approuver ». Pour l'instant, je consens, je complice, je subis, je suis vos détours – je m'y retrouve, je vous y retrouve, et, dans la limite où je perçois, j'approuve ; ou plutôt je profite. Je sais très bien qu'il ne s'agit pas de « littérature » (comme on entend ce mot en général). « Ce n'est pas le vase qui sert, mais le vide qui est à l'intérieur du vase » disait LAO-TZE [Lao Tseu]. Mais le potier ne peut modeler que la terre, et non pas le vide directement. Ainsi il me semble que vous sculptez la langue pour, indirectement, délimiter et mesurer ce qu'on lit entre les lignes – là où votre essence parle. Et je vous répète, pour l'instant j'écoute seulement. Et je vous connais mieux depuis les Fleurs de Tarbes.
(Vous réalisez aussi ce que je réclamais il y a 2 ans, je ne sais plus à quel propos : que quelqu'un traite du langage qui sache aussi le manier ; que l'on ne sépare plus savoir et faire – Mais ce n'est que la couche intermédiaire de la question, entre l'aspect littéraire extérieur et le « vide-plein » intérieur)
Somme toute, je ne peux encore que constater la fécondité de votre entreprise (du germe, en vous, de cette entreprise). Elle me déborde encore. Je crois que les Fl. de T. [Fleurs de Tarbes ] ne sont pas pour peu dans certaines séries de réflexions que je me fais, qui prendront bientôt figure écrite, et dont il serait vain de chercher la relation logique extérieure (par implications et exclusions) avec votre décryptement et votre jardinage. Par exemple, je cherche à dire clairement cette vérité si claire que le sens des philosophies, des sciences et des métaphysiques n'est pas dans leur lettre, ni dans