mardi 5/9 [1950]
Cher J.P.,
J'étais assez disposé à tout dire à P.P. [Paul Pilotaz], dont je crois bien m'être fait un ami. (Sa femme – qui est non moins charmante – me disait que nos rapports l'influençaient curieusement et heureusement, le libérant d'une forte tendance au repliement sur soi-même.)Mais les circonstances ne s'y prêtaient pas tout à fait (encore) : durant la deuxième semaine de mon séjour à la Pommeraie, nous avons été très peu seuls, et certains de ses hôtes soit, avaient pris la résistance très au sérieux, soit, étant juifs, avaient souffert de l'occupation. Cela ne m'empêchait pas de sympathiser avec eux – mais m'obligeait tout de même à une certaine réserve. P. [Pilotaz] viendra prochainement à Paris, où je pourrai lui parler plus librement. (Cela me soulagerait assez : je déteste assumer à mes propres yeux le rôle d'imposteur.)
Je rapporte le manuscrit de La part de ciel (titre définitif du roman de P.P. [Paul Pilotaz]. Je suis chargé de le faire dactylographier, et de vous le transmettre ensuite, pour G.G. [Gaston Gallimard] Il