vendredi [1950]
Mon cher Jean,
Je vous ai répondu un peu hâtivement, hier soir. (Répondre aussitôt à une lettre est chez moi une espèce de réflexe…)J'aurais dû mieux vous remercier du souci que vous avez pris de relancer G.G. [Gaston Gallimard] à mon sujet. Je necomprends fort bien qu'il ne tienne pas à se créer de nouvelles charges, s'il peut l'éviter.Je vais, évidemment, étudier avec G. Gallet la question « V-Magazine », où, d'ailleurs, il n'est pas certain du tout qu'il y ait place pour moi. (Mon ami Gallet, beaucoup moins méticuleux et scrupuleux que vous, est un peu l'homme des propos et des suggestions en l'air…) Si, d'aventure, je pouvais trouver par là un modeste gagne-pain, en échange de quatre ou cinq heures de travail quotidien, oui. Mais s'il me fallait retomber dans une autre espèce de bagne Lang, non. Je constate, bien humblement, que je n'en aurais, que je n'en ai plus le courage. Quatre années ont épuisé mes ressources de patience, de résignation et d'attente de jours meilleurs. S'il me fallait, dans l'avenir, retrouver tout cela, je préférerais perdre le peu que j'ai reconquis. Je vous remercierais bien sincèrement de m'avoir aidé à en (re)connaître le goût,- et, ma foi, je pense que je prendrais sans cris inutiles le chemin… d'où je me suis