mercredi [1950]
Cher J.P.,
J'ai peut-être, en parlant d'identification du signe et de la chose signifiée, arbitrairement étendu à la peinture une notion propre à la musique. Dans sa (remarquable) Introduction à J.S. Bach , Schloezer dit que « l'œuvre musicale n'est pas le signe de quelque chose, mais se signifie elle-même : ce qu'elle me dit, elle l'est, son sens lui étant immanent ». Il me semblait possible de considérer la peinture de la même manière – et que c'est à quoi tendait Malraux en parlant d'art « devenu son propre objet ». Pour ce qui est de la métaphysique : il en est une formellement incluse (et souvent explicitement formulée) chez un Goya, ou un Greco, ou un Grünenwald, alors qu'elle est beaucoup plus implicite chez Braque (vous dites vous-même : « voyez ses écrits », qui, en effet, disent ce à quoi seulement se réfèrent ces ttableaux). Il me semble que Gauguin marquerait assez bien le passage d'une attitude à l'autre.
Oui, je vous avoue que je n'ai pas reconnu la Belgique que je connaissais, à travers les récents événements. J'ai n'ai jamais si bien senti la cassure qu'a marqué 1944-45 dans le cours des choses.