le 1er juillet [1958]
Mon cher Jean,
Vous avez raison : je me demande encore quelle idée m'a pris de vous soumettre (pour la nrf [Nouvelle Revue Française ] ces notes nullement destinées à la publication, qui ne sont pas (ne vous y trompez pas!) des pages d'un livre futur, mais, extraits d'un carnet qui disparaîtra avec moi si je ne le détruis pas avant, des repères, des références à un contexte non écrit et qui ne le sera pas. Cette idée (assez sotte) revenant (assez paradoxalement) à vouloir publier (sans les énoncer complètement ) les raisons que j'ai de ne pas publier – à défendre en quelque sorte le silence… en parlant.Vous avez bien vu que ces pages « semblent faites pour empêcher tout le reste » (s'il s'était agi d'un livre). Elles marquent pour moi les étapes d'une route qui aboutit au silence absolu, auquel je tends, auquel j'aurais sans doute déjà atteint, n'était la nécessité de gagner ma vie, donc (c'est là qu'est le paradoxe) d'écrire et de publier, dans la mesure où les besognes alimentaires et anonymes auxquelles je me livre ne suffisent pas à assurer tout à fait ma subsistance.Pour exposer et développer (forte