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à Mr Jean Guérin N.R.F. Paris le 12 octobre 1953 Monsieur Pour que vous compreniez le souci que j'ai de vous écrire il faut peut-être que je vous dise d'abord que tout ce qui touche la mémoire de Paul Eluard me rappelle à une fidélité de l'affection qu'il a su si vivement m'enseigner. C'est pourquoi je me sens tenu de vous adresser quelques réflexions que me suggère votre article paru dans le n° d'octobre de la nouvelle N.R.F. concernant l'hommage que la revue Europe a rendu à Eluard. C'est, dites-vous, un hommage politique. Et à quoi voyez-vous cela ? Vos preuves sont bizarres. Je les prends dans l'ordre. « On n'y rencontre pas un seul des premiers amis du poète ». En effet. « Ni André Breton, ni etc... » Voulez-vous dire que ceux-là seuls eussent été garants du caractère non-politique de l'hommage ? Mais pourquoi ? Parce qu'ils ne font pas de politique ? Ou parce qu'ils font de la si bonne politique (anti-communiste, je suppose) qu'elle transcende toute politique ? Je ne vous saisis pas bien. D'autant plus que vous passez sous silence les textes de Bergamin, de Michel Leiris, de Franz Hellens, d'Henri Mondor, de Jean Cayrol, de Jean Amrouche etc... Mais ce ne sont pas là, sans doute, ce que vous appelez – en soulignant – des « amis essentiels », « ceux qui pendant vingt ans le reconnurent, l'aimèrent, mirent en lui leur confiance et lui donnèrent confiance en lui ». A ces vingt ans il n'y a rien à répondre. Les autres, peut-être n'est-ce que pendant dix ans seulement qu'ils l'ont reconnu, aimé, qu'ils ont mis en lui leur confiance. Encore n'est-ce pas si sûr. Mais je veux bien que ces vingt ans fassent une grande différence. Et moi aussi alors je m'étonnerai de l'absence de ses « amis essentiels » dans cet hommage. Je serai même porté à m'en scandaliser. Mais, s'il vous plaît, au lieu d'insinuer que la faute en incombe à la direction de la revue Europe, je vous suggérerai de demander directement, personnellement, à ces « amis essentiels » pourquoi ils n'ont rien envoyé à Europe. Pourquoi Breton, pourquoi Soupault, pourquoi Jean Paulhan n'ont-ils pas tenu à se joindre à cet hommage ? Il me semble qu'il n'était pas nécessaire d'être communiste pour être reçu par cette revue, puisque j'y ai bien été publié. Je vous avouerai que l'ignoble page parue dans Arts (n° 5-11 décembre 1952) me donne quelqu'idée des motifs de monsieur Breton, entre autres. Mais enfin tant que ces « amis » ne se sont pas expliqués sur cette étrange absence j'essaierai d'éviter de leur prêter – aussi généreusement

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